Avez-vous déjà perdu vos clefs ?
Moi, très rarement.
Enfin presque rarement car à mon boulot je les perds ou plutôt on me les fait perdre souvent. Moi, Tom, je travaille à l'association Gloup. Une belle petite association dans une MJC comme il en existe beaucoup mais belle n'est qu'apparence car un détail m'a surpris à mon arrivée : l'anarchie est maître dans cette association. Toutes les clefs qui ouvrent les portes, les armoires, les placards et les boîtes à clous sont en libre service pour tous dans une armoire spéciale où chacun se sert, s'aventure et les contrôles ne se font jamais, malheureusement, il est facile de prendre mais remettre en place, ça échappe aux esprits de la bonne populace.
Chacun est soi-disant au service des autres, mais tout le monde garde secret son petit monde, ses outils et en cas d'absence, de remplacement de l'un par l'autre, personne ne sait où le divin cachottier a déposé ses petites affaires, il en faut du temps et de la patience pour chercher et trouver où l'absent, qui a toujours raison, a mis, camouflé ses ustensiles. Les clefs, ainsi que les objets voyagent dans l'association sans que les gens rappellent a l'un ou l'autre où ils ont laissé les affaires en partant en fin de leur service, et moi, un gouniaffé qui aime manger les clefs, oui, je suis un gros gouniaffé, pardonnez-moi, je n'arrive jamais à en manger une. Mon enfer dans ce monde si beau, si paradisiaque c'est que les clefs me filent, me défilent, me refilent devant comme les petits pains que l'on voit chez la charmante boulangère.
Mais pour le malheur ou le bonheur des uns des autres, moi, Tom, je dis tout, j'annonce à tous ce que je fais, ce que je ferai. Et tout le monde voit clair en moi. Je range mes affaires et j'annonce où chacun peut les voir, les utiliser, c'est la moindre des civilités. Pas de messes basses, pas de secret, pas de cachottes, pas de chuchotes, n'avez-vous pas quelques chocottes ? Tom vous le dit en vérité, les gens sont bons, lui brave Tom est plutôt C… à une lettre prés, C c'est la lettre prés prêt et je vous la prête volontiers. Tellement limpide il est Tom, et cela coule de source, mes amis lecteurs, que je vous prête ma voix, mon âme, mon corps, ma vie…. Je l'ai gagné mon paradis, pas vrai… si j'en trouve la clef d'entrée.
Dans l'anarchie d'un soir de novembre Tom remplace consentant et sans contrainte le directeur de l'association Gloup un peu souffrant : la grippe a attaqué tôt cet hiver. Tom le remplace parce qu'il l'a voulu, bien voulu, il s'est proposé à ce remplacement devant la foule nombreuse des volontaires qui, à la réunion du mardi où les absents sont les meilleurs, n'osaient se regarder de peur d'être choisi pour effectuer la maudite fonction. Personne ne voulait renoncer à ses occupations du soir pour effectuer cette garde de l'association pour les membres qui venaient y suivre leurs loisirs associatifs, personne ne voulait, n'a voulu remplacer notre directeur, ça sent le bon et fidèle employé, noble coeur qui préfère aller baguenauder plutôt que de faire le directeur.
Moi, le Tom, je suis caméléon, j'ose le faire, j'ose où les autres posent, pausent. Cette soirée moi je n'ai rien prévu, et puis ce que j'aurais pu faire peut attendre un autre soir, je préfère être au boulot pour m'instruire et connaître le métier de veilleur de nuit, de metteur en scène. Ma soirée loisirs en dehors de mon boulot je la louperai donc comme certains loupent leur Bac.
Je m'en fous des programmes alléchants de nos multi chaines, je m'en fous de ne pas aller au cinéma, de ne pas rejoindre des amis pour une soirée surprise, de ne pas me balader en ville, de ne pas être, avoir. Car ce soir je suis le roi, je suis le maître, ce soir, je vais vous jouer le directeur, d'un soir d'accord, mais le directeur quand même, ça me changera un peu et puis j'apprendrai ainsi ce qu'est ce monde merveilleux des directeurs z'heureux, mais je resterai quand même un petit Tom.
Je gère tout et tous, je vérifie, je catalogue (comme les trois suisses), j'analyse les gens et je me débrouille car personne ne m'a renseigné sur le pourquoi, le comment, le quoi faire pour veiller sur l'établissement en cette soirée de rêve, personne ne s"est chargé de fournir le mode d'emploi de ce qu'il fallait faire. Je dois me débrouiller seul, mes amis lecteurs, mais seul, bien seul sur une île déserte où je ne vous chercherai pas Vendredi, il est avec Robinson, et vu que nous sommes un Mercredi. Sur mon île adorée j'assure, je veille, je surveille. Tom Tom Tom Tom.
Tout le monde sait les clefs que j'utilise, les clefs de la salle d'arts plastique sont un passe pratique pour ouvrir toutes les portes et moi, je suis le maître des plastiques, et dans l'art, l'art de rien, l'air de rien je m'avance vers le panneau, l'armoire à clefs pour constater que mes clefs, chères et gratuites clefs sont absentes. Un lutin, un petit con de diable a caché mes clefs d'arts plastiques.
Emmanuelle, la belle, professeur de danse ayant besoin qu'on lui ouvre sa salle de Transe pour ses cours. Moi, sans passe magique d'arts plastiques, puisque je ne l'ai plus, plus disponible dans l'armoire à clefs, j'annonce à Emmanuelle, sœur Emmanuelle, ma belle divine enfant que les clefs ne sont pas là, les seules clefs que je connaisse ne sont plus là. Elle me montrera plus tard dans notre amusante soirée, la gentille fille, les bonnes clefs à utiliser avec elle, dans cette normalité que je ne connais pas, que l'on ne m'a pas fait connaître.
Dans l'urgence et en absence de mes clefs plastiques, j'ouvre sa porte avec les clefs que le directeur possède et que l'on m'a confié uniquement pour cette joyeuse soirée, les clefs du directeur étant restées dans ma poche depuis que je les ai eues. Le fonctionnement de l'association me paraît encore illogique, une fois que les clefs du directeur lui seront rendues, qui va me rendre mes clefs disparues, cachées. Emmanuelle me montre enfin les clefs qu'elle utilise tout le temps, les clefs qu'elle ouvre les portes avec, enfin la porte de son paradis, pas de mon enfer. Certaines personnes ont donc leurs clefs personnelles, elles ne voyagent pas à droite, à gauche, celles-ci ne sont pas laissés ailleurs, on les remet immédiatement dans l'armoire à clefs en cas d'utilisation, ce privilège magique n'est pas exaucé pour tous apparemment dans la bonne association, en tout cas, Tom n'a pas eu ce privilège enchanté.
Au fait, un petit détail pour vous rassurer, mes lecteurs assidus et passionnés par mon idiot de récit : Emmanuelle et moi, on les a enfin retrouvées mes clefs chéries z'et cachées que je voulais si angéliquement et si logiquement depuis un certain temps. Elles étaient dans le bureau de l'animateur Plein Air, quelqu'un les avaient placées sous la radio qui diffuse de la jolie musique dans la salle d'entrée, celle qui sert pour l'attente, mon oncle.
Qui les a mis là, ces maudites clefs de moi z'à vous ?
A vous de me le dire, Sherlock.
Je ne veux pas le savoir.